Face à la déréglementation généralisée : Défendre le statut national
Baccalauréat 2006 ; un record historique du taux de réussite qui «bat» celui atteint en 1968 !
Voici quelques extraits d’une lettre adressée par un professeur, correcteur de l’épreuve de français à la coordonnatrice de la réunion d’harmonisation :
« J’ai relu avec soin les copies que vous avez apportées et les recommandations que vous avez données pour la correction. Une copie, en particulier, a retenu mon attention. Un candidat de ES écrit tout au long de son devoir « le compt traditionnel ». Il « agrémente » son devoir de plus de cent fautes d’orthographe.
Vous nous avez invités - au nom de la commission barème – à noter une telle copie : 11/20.
Que penser ?
Cet élève, en fin d’année de première, ne sait pas écrire de nombreux mots, et en particulier un mot simple : « conte » qui est expressément au programme ; et il faudrait mettre la moyenne à la copie !
Il ignore l’orthographe, et il faudrait considérer qu’on peut lui accorder le bac, premier grade universitaire ! N’est-ce pas mépriser les élèves que de penser qu’il est au-dessus de leurs moyens d’apprendre à écrire correctement la langue française ? Accepte-ton d’accorder le permis de conduire à un automobiliste qui roulerait à gauche en France, au motif qu’il ne connaît pas bien ses côtés ?
A la réflexion, je me demande s’il ne s’agirait pas d’un essai pour « tester » la résistance des correcteurs : jusqu’où sommes-nous prêts à accepter que l’on bafoue notre travail, notre discipline, notre conscience professionnelle ? »
Ce terrible constat, l’immense majorité des professeurs peut malheureusement le dresser. Alors, qu’adviendra-t-il lorsque le « socle commun », qui oppose de prétendues compétences clés aux connaissances scolaires entrera en application ?
Des disciplines entières qui figuraient au certificat d’études primaires sont purement et simplement liquidées.
Aux yeux des fossoyeurs de l’école républicaine : « la famille, les groupes sociaux, ethniques, religieux, les clubs, les associations, les médias ont un rôle tout aussi important pour développer les compétences sociales et personnelles », c’est-à-dire l’analphabétisme, l’obscurantisme, l’incapacité de s’émanciper moralement et matériellement.
Un certain Monsieur Daniel Thérond, chef de service à la direction de la culture du Conseil de l’Europe donne une explication lumineuse à cette entreprise qui fait froid dans le dos :
« la création du Conseil de l’Europe répond à un objectif très précis : la stabilité politique et pacifique du continent européen. (…) Dans ce cadre, la culture n’est pas considérée comme une fin en soi, mais comme un moyen de “faire tenir” des enfants de différents milieux culturels et de différentes nationalités ensemble ».
Alors, haro sur les enseignants qui s’entêtent à transmettre des connaissances : ils sont trop nombreux ? Le ministre licencie des milliers de précaires et bloque les postes aux concours. Ils s’« accrochent » à leur statut ? Le ministre tape à coups redoublés sur leurs « avantages », horaires hebdomadaires, décharges statutaires, respect de la discipline de recrutement. Ils ne sont pas assez souples ? Mise en place de conseils pédagogiques.
C’est compter sans leur résistance et leur attachement à leur rôle essentiel pour leurs élèves : transmettre le savoir, vérifier l’acquisition des connaissances indispensables à un être libre et réfléchi. Ce rôle, c’est leur statut national qui le garantit.
Notre syndicat se battra pour son maintien, pièce maîtresse de l’ensemble du statut général de la Fonction publique.
C’est l’enjeu de cette rentrée.
Marie-Edmonde BRUNET
Editorial du n° 340 « Le syndicaliste Force Ouvrière des Lycées et Collèges » - septembre 2006.